Séance 1 : L’Europe médiane : un terrain en transformation depuis cinq ans. Perceptions, approches scientifiques et perspectives d’évolution de ces dernières
10 novembre 2017, 14h-18h
Institut d’études slaves, 9 rue Michelet, 75006 Paris
L’Europe médiane est, pour la première fois depuis 1988-1991, redevenue un sujet de débat tant à cause de l’actualité (Crimée/Ukraine, débat sur l’accueil des demandeurs d’asile et autres migrants, démocratie illibérale revendiquée) qu’à cause de remises en cause des perceptions historiographiques par T. Snyder, Ph. Ther, … et plus largement les discussions sur la Shoah, sa mémoire, les « crimes du communisme », la rupture ou non rupture de 1989, le rapport à l’histoire. La polarisation des espaces qui composent et fondent l’Europe médiane a été repensée depuis la création de notre GDR (disons ces cinq dernières années) et la façon dont les diverses disciplines qui participent à la réflexion de notre groupement analysent les mouvements contemporains et reviennent sur les temps plus anciens est actuellement en pleine transformation. De la littérature à la sociologie ou la science politique en passant par l’ethnographie, l’histoire, la géographie ou les sciences de la communication, les défis posés par ce terrain complexe nous ont semblé mériter une mise à plat des questionnements en partant de quelques regards individuels, dans le but d’ouvrir un débat contradictoire et stimulant pour le travail du GDR à l’avenir.
Programme
14h00-14h20 Paul Gradvohl et Roman Krakovsky, Introduction. Les mutations historiographiques et les perceptions de l’Europe médiane
14h20-14h35 Luba Jurgenson, Les mémoires en mouvement et les interactions avec la Russie
14h35-14h50 Lydia Coudroy de Lille, Imbrications spatiales mutantes
14h50-15h05 Jean-Michel De Waele, La fin de la gauche et de la droite classique ? L’Europe médiane revient sous les feux de l’actualité
15h05-15h20 Pause
15h20-17h00 Débat sur la base des présentations
17h00-17h20 Antoine Marès, Synthèse avec éléments de bilan et de prospective
17h20-18h00 Discussion finale et suggestions pour enrichir les perspectives ouvertes pour le GDR, notamment autour des dimensions internationales
Séance 2. La justice comme fait social en Europe médiane (1944- années 1990s). Nouvelles perspectives de recherche
Institut d’études slaves, 9, rue Michelet, 75006
2 février 2017, 14h-18h
Coordination : Audrey Kichelewski (Université de Strasbourg)
Au sein de la riche historiographie qui s’est développée ces dernières années autour de la notion de la sortie de guerre des sociétés européennes, les questions judiciaires occupent une place majeure, qu’il s’agisse d’une justice visant à restaurer l’ordre ancien, à punir les criminels et leurs collaborateurs, à assurer la transition et la légitimité des nouveaux régimes mis en place ou, plus rarement, à faire entendre la voix et les revendications des victimes. Cette justice post-conflictuelle a surtout été analysée pour ses fonctions politiques, historiques, symboliques et mémorielles, et s’est concentrée sur l’étude de grands procès marquants à l’international (procès de Nuremberg, procès Eichmann) ou plus tardifs (Barbie, Touvier, Papon pour le cas français).
Concernant l’Europe médiane, basculant dans l’orbite soviétique après 1945, c’est le plus souvent avec suspicion qu’ont été pensés les procès contre les criminels de guerre, perçus uniquement par le prisme de leur instrumentalisation politique à des fins de légitimation des nouveaux régimes. Pourtant, examiner les procès de cette région comme des faits sociaux peut permettre de mieux appréhender la place de l’expérience de la guerre dans la mise en place et le fonctionnement des régimes de cette espace, jusqu’à leur effondrement, qui donna lieu, sinon à des procédures judiciaires, du moins à une réflexion sur la criminalisation du passé communiste récent. Ils fournissent en outre des lieux privilégiés d’examen du rôle de l’espace public dans une région fortement contrainte politiquement.
Penser la justice post-conflictuelle comme un fait social et examiner les procès à l’Est de l’Europe non plus seulement comme des entités à part, mais comme des moments d’implication de multiples acteurs politiques, sociaux et médiatiques est une grille d’analyse essentielle du projet ANR « Les crimes nazis dans le prétoire » porté par Vanessa Voisin et dont l’aire géographique s’étend de l’URRS à l’Europe médiane. Celui-ci a en effet pour vocation d’enrichir notre connaissance encore lacunaire sur ces dimensions de la justice – où l’analyse des conditions socioculturelles de production des procédures judiciaires vient enrichir et compléter les plus classique fonctions politiques, qui dans le cas de cette étude à l’échelle régionale, doivent intégrer les circulations transnationales nombreuses. Deux des contributions présentées dans cette séance sont le fait de chercheurs et chercheuses impliqués dans ce projet collectif.
Mais cette séance de séminaire consacrée aux nouvelles perspectives de recherches sur la justice en Europe médiane dans le second vingtième siècle entend faire aussi dialoguer plusieurs disciplines (histoire, science politique, littérature), périodes et approches ayant en commun le fait de considérer les liens entre questions judiciaires et engagements sociaux. Le questionnement nous mènera de la justice d’immédiat après-guerre dans deux pays (Bulgarie et Hongrie) dont l’enjeu est de légitimer un nouveau régime et d’éliminer les voix discordantes, à la Lettonie des années 1960 qui illustre un constat général de reprise de procédures judiciaires dans un contexte de nécessité de re-légitimation des autorités politiques. Enfin, il sera intéressant de comparer cette justice post-conflictuelle à la justice dite « transitionnelle » de l’après 1989, à travers l’exemple roumain. Quels acteurs professionnels, institutionnels et individuels s’impliquent dans la fabrication et le déroulement des procès au sein de différents contextes historiques et nationaux et de quelle autonomie jouissent-ils ? À quelles visées politiques et sociales répondent les pratiques des procès et leur publicisation ?
Programme
Nadège Ragaru (CNRS-CERI) : Juger les criminels de guerre en Bulgarie au sortir de la Seconde guerre mondiale
Publication : « Juger les crimes antisémites avant Nuremberg : l’expérience du Tribunal populaire en Bulgarie (novembre 1944-avril 1945) », Histoire@Politique, 8/2015.
Clara Royer (CEFRES- Université Paris IV) : Juger l’antisémitisme de plume ? Les écrivains face à la collaboration en Hongrie.
Publication : « Justice et vengeance ? Un appel à la responsabilité intellectuelle des écrivains survivants du Progrès (1945-1947) », Revue d’Histoire de la Shoah, 2016/1 (N° 204), p. 359-381.
Eric Le Bourhis (ISP-CNRS), Irina Tcherneva (Hicsa – Paris 1) : Une seconde vague de procès contre les criminels de guerre en Lettonie soviétique dans les années 1960.
Raluca Grosescu (University of Exeter) : Les procès du communisme en Roumanie
Publication : Les Communistes dans l’Apres-Communisme. Trajectoires de Conversion Politique de la Nomenklatura Roumaine après 1989 (Paris: Michel Houdiard, 2012) ; co- editrice de Transitional Criminal Justice in Post-Dictatorial and Post-Conflict Societies (Cambridge: Intersentia, 2015).